Lieux de vie et accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie : les défis de la politique domiciliaire, se sentir chez soi où que l’on soit

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Dr Julien Emmanuelli, Jean-Baptiste Frossard et Bruno Vincent (Igas)


Avec l’arrivée au grand âge des générations nées après-guerre, le nombre de personnes âgées en situation de perte autonomie pourrait augmenter en France de près d’un million entre 2020 et 2040. Les Français étant nombreux à souhaiter vieillir chez eux, l’objectif des pouvoirs publics est de renforcer les capacités de maintien à domicile dans de bonnes conditions, et de diminuer la part des admissions en Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes).

Par ses constats, ses analyses et ses recommandations, le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, vient bousculer un certain nombre d’idées reçues sur le grand âge et la perte d’autonomie. Les auteurs du rapport ont évalué la façon dont l’offre d’habitat et d’accompagnement devrait être structurée pour les personnes que leur situation conduit, aujourd’hui, à entrer en établissement mais qui pourraient, à l’avenir, dans une situation comparable, continuer à être accompagnées à domicile, que ce soit en domicile ordinaire ou alternatif (résidences, colocations Alzheimer…).

Quels constats ?

Actuellement, on estime que plus des trois quarts des personnes âgées en perte d’autonomie vivent à leur domicile et non en Ehpad. Parmi celles lourdement dépendantes (GIR 1-2), c’est plus de la moitié, et ce, au prix d’une très forte mobilisation de l’entourage (36 heures hebdomadaires contre moins de 9 heures pour les professionnels).

Alors qu’ils sont une clé de voûte du maintien en domicile ordinaire, le nombre des aidants va baisser

Par ailleurs, le domicile ordinaire est fortement consommateur en ressources humaines, alors que la France va en manquer (et en manque déjà). Il coûte relativement cher, et potentiellement plus cher que l’institution (temps de trajet des personnels, absence d’économies d’échelle…). De fait, si le maintien au domicile de la personne est l’objectif premier, il est des situations où l’accueil en institution ou dans un lieu intermédiaire est préférable dans l’intérêt même de la personne.

Les domiciles alternatifs ne représentent qu’une part très marginale des lieux de vie des personnes âgées dépendantes (autour de 2 %), mais un quart des personnes âgées vivant en résidence autonomie est en situation de perte d’autonomie (GIR 1 à 4). De manière plus générale, les domiciles alternatifs posent des questions d'adéquation entre les cibles de publics affichés et les besoins réels des personnes.

Enfin, concernant les personnes âgées dépendantes en établissement, malgré un âge d’entrée en Ehpad sans cesse plus élevé, la durée moyenne de séjour en Ehpad diminue très peu et reste proche de deux années.

En dépit d’avancées importantes depuis la loi d’adaptation de la société au vieillissement de 2015 et face à la hausse de la dépendance, les moyens ne sont pas encore réunis pour réussir, dans les vingt années à venir, une politique domiciliaire dans l’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie, quel que soit leur lieu de vie.

Quelles préconisations ?

Cet objectif appelle une forte mobilisation des pouvoirs publics vers les domiciles, ordinaire et alternatif, autant que vers les Ehpad, faute de quoi diverses conséquences, déjà observables par endroits, sont à craindre : dégradation des conditions de vie et d’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie, saturation des Ehpad, report de charge vers les familles, pénibilité accrue des métiers du grand âge, développement de modes de prise en charge peu encadrés, risques de maltraitance et d’abus de faiblesse, y compris à domicile, mise en tension du système de soin…

Outre de renforcer le soutien à domicile, la mission préconise de construire, à horizon 2030, 100 000 logements nouveaux en résidences autonomie, en plus de rénover le parc existant, de sécuriser les conditions de développement et de fonctionnement des habitats alternatifs pour les préparer à l’accueil de personnes âgées en plus grandes difficultés, d’engager un plan national de transformation domiciliaire des Ehpad, de structurer le pilotage de l’offre par type d’habitat et de renforcer la prévention pour assurer une vie durablement de qualité aux personnes âgées.